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Les beaux yeux du fiancé d’Ethel Barbey

Pil - Le 22 Janvier 2018

 

 

Nous tairons le nom de la petite ville qui fut le théâtre de cette horrifique histoire.

 

D’ailleurs, on raconte que pour ne faire de tord à personne et afin, surtout, de ne pas s’attirer d’ennuis, ceux qui les premiers ont raconté « l’affaire », n’ont jamais rapporté le véritable patronyme du pharmacien et de ses trois filles, pharmaciennes elles aussi.

Odette, Sibille et Ethel seraient les prénoms de ces dernières…

 

Voici les faits tels qu’ils sont encore murmurés de bouche à oreille…

 

Un beau samedi de Juin, Ethel, la  plus jeune des Barbey, a été abandonnée au pied de l’Hôtel de Ville par son fiancé, un couard et un indélicat, aux dires d’Odette et de Sibille les deux ainées.

La jeune femme, et tous les invités de la noce, ont attendu autant qu’il a été possible. Quand il a fallu se rendre à l’évidence, et constater que le futur marié ne viendrait pas, Ethel est tombée dans une profonde mélancolie qui dure depuis.

 

Monsieur Barbey, en père attentif et aimant, pensant obtenir quelque explication à propos de l’attitude plus que cavalière du promis de sa cadette, s’enquit de ses nouvelles auprès des parents et des amis de celui-ci. Soit qu’ils voulussent couvrir la retraite  du volage individu, soit qu’ils fussent eux aussi abandonnés, ils affirmèrent, avec une inquiétude feinte ou pas, ne plus avoir de nouvelles du jeune homme.  

 

A l’automne, deux policiers vinrent à la pharmacie poser des questions à Ethel, toujours dans un état de prostration avancée. Ce fut la dernière fois qu’on lui parla de cet amoureux qui l’avait tant charmée avec son magnifique regard.

 

Chaque année les filles Barbey, dames patronnesses s’il en est, s’occupent activement de la kermesse des écoles.

 

Pour un observateur attentif, et il y en eu quelques uns,  un fait troublant marqua la fête qui suivit de peu la funeste noce.

 

Le stand d’Odette et de Sibille – Ethel, totalement éteinte, servait à la pharmacie avec son père – offrait  à la vente des brochettes grillées sur place que les visiteurs s’arrachaient avec gourmandise tant, disaient-ils, les petits cubes de viande étaient tendres et savoureux. La recette seule des deux sœurs suffit à payer un lot de microscopes de haute qualité pour les classes de cours moyen.

Le Comité d’Organisation de la Kermesse remercia vivement pour leur succès les Demoiselles Barbey, leur fit promettre de remettre ça l’année suivante et de ne surtout pas s’embarrasser dans la fabrication de gâteaux et autres sucreries comme elles l’avaient toujours fait jusque là.  Elles promirent…

 

Ce n’est pas tant la rupture dans la tradition qui fut remarquée par certains, mais la bonne humeur, voire la jubilation des deux femmes, habituellement si réservées, qui manches retroussées au dessus des coudes et tabliers tachés de jus, s’activaient derrière leur brasier.

 

Ceux là même qui prêtèrent attention à ces petits détails remarquèrent qu’un bocal, contenant deux grosses billes flottant dans ce qui devait être du formol, prit un jour place sur une étagère de la pharmacie, à coté d’une vieille vipère noyée depuis bien longtemps dans son conservateur.

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© 22 Janvier 2018 Pascale Expilly

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